Chapitre 7
Victoires et Tiercé

Il est bien naturel que la pauvre Martine après tant de péripéties diverses, n'avait pas fait toutes ces démarches pour l'obtention d'une licence de jockey professionnel, uniquement pour le plaisir d'avoir surmpnté tous les obstacles qu'on avait mis à la reconnaissance de ses droits.

Il fallait courir... toujours courir et le mieux possible pour attirer l'attention des propriétaires et entraineurs, qui sont d'abord et en premier les dispensateurs des moyens de succès.
Je n'irai pas jusqu'à dire que la première apparition de Martine parmi ses collègues masculins suscita un enthousiasme fou, mais plutôt d'abord une curiosité amusée, et petit à petit intéressée par l'assurance montrée par cette petite femme. Son aisance en selle, sa rage de vaincre et son éternel sourire qu'elle conserve en toutes circonstances, même lorque d'autres se soulagent en râlant.

Déjà bien connue dans le milieu des courses, elle commença à intéresser les professionnels et elle bénificia assez vite demontes, mais la plupart du temps parmi les petits poids, autrement dit les utilités, mais il faut un début à tout !

Puis, brusquement ! Le déclic !

Le 19 mars 1980, Martine montait un cheval appartenant à Freddy Lombryn, Mums The World dans le Prix Black Prince - 1500 m à Sterrebeek.
Cette course étant retenue pour le Tiercé Belge.
Première victoire professionnelle... et un tiercé en plus !!!

Première femme à enlever un tiercé parmi les hommes... et retenez bien la date, 19 mars 1980, car quatre ans plus tard, des journalistes français en mal de copie et d'élément à sensation, attribueront injustement ce rôle à une autre femme jockey, française celle-là, alors quà cette époque, Martine frôlait déjà la douzaine de succès dans ce genre de courses.
Nous reviendrons d'ailleurs sur l'événement, par la suite et pour le respect de la vérité... la vraie...! Pas celle qui est guidée par le bluff... ou l'intérêt.

Je ne retomberai pas dans un lyrisme exaltant pour vous définir les états d'âme de Martine en cet instant précis... les victoires au fond, ça la connaissait! Mais gagner un tiercé, et pour un début, vous voyez d'ici le retentissement pour la suite de sa carrière.
Je me représente assez bien à quoi elle pensait en amenant fièrement ce brave Mums The World dans le rond du vainqueur. Je ne sais pas si elle est vraiment sentimentale, mais je n'oserais en tout cas pas jurer qu'une petite larme ne se soit pas glissée dans le coin de ses yeux à cet instant précis et je la comprends très bien... et vous aussi, puisque vous la connaissez déjà tellement mieux!

Mais, gagner un Tiercé, celà vous établit une carte de visite qui a une allure de victoire et qui doit donner un fameux coup de pouce à votre carrière, surtout à cette époque où les sociétés de courses n'ont pas encore bradé la valeur de ces épreuves par une prolifération de mauvais aloi. Mais celà aussi est une autre histoire sur laquelle je ne manquerai pas de revenir par la suite. Symon Sun

Ces courses à tiercé ont un réel retentissement et je dirai même plus, que certaines épreuves classiques, rien que par la publicité étalée dans la presse spécialisée ou non, qui entretient chez les parieurs cet esprit de gain qui constitue pour la majorité, et les meilleurs d'entre ces gens, comme un ultime refuge.

Je ne vous étonnerai probablement pas en vous disant que certains chevaux, spécialistes de ce genre d'épreuves, sont probablement autant connus de la masse des médias que certains grands noms de courses de groupes I et II.
Et c'est là une raison péremptoire pour les propriétaires et les entraineurs de se montrer friands de ces épreuves qui leurs donnent l'occasion de se hisser le plus haut possible sur l'échelle des grands de l'hippisme.
Par ricochet, les jockeys y trouvent aussi leur compte et c'est la raison pour laquelle ils se battent pour les places marquantes, tout comme pour la victoire. Et je pense que vous vous imaginez aisément que la lutte est des plus sévère pour ces rares occasions de se mettre en relief et d'asseoir ainsi leur réputation.

Les courses à tiercés constituent une véritable "jungle" et, rien de plus normal, si l'on sait quelles ont valu à nombre de jockeys, leur seuls vrais titres de gloire.
Il sera parfaitement inutile que j'approfondisse, quand je vous aurai dépeint d'une façon un peu imagée peut-être, l'allure de ces courses où une vingtaine d'individus sains et en général bien informés, se battent au grand galop pour l'obtention d'un seul trésor. Avec en plus, que le handicap doit en théorie donner de la force aux plus chétifs, du courage aux plus faibles et un surcroit de charge aux présumés les plus forts, de manière à ce que chacun puisse garder l'espoir.
Chacun croit à sa chance, et il va se battre comme un lion en utilisant toujours le maximum de ses forces pour surpasser les autres... tous les autres !

Ah! Si l'on pouvait rêver! Si la règle des handicaps était infaillible, on pourrait imaginer le cas où les chances de départ étant parfaitement égalisées, tous les chevaux se retrouveraient à l'arrivée sur la même ligne. Mais celà, c'est du rêve!
Et les handicapeurs restent malgré tout des hommes, bien qu'ils se prennent parfois pour des dieux. Leur jugement reste un jugement d'hommes, donc sujet à l'erreur. Et c'est bien dommage pourtant, car cela donnerait un poids très important au talent du jockey.
Tout cela illustre assez bien, à mon humble avis, les règles du jeu des courses à Tiercé, qui sont, en somme les courses les plus difficiles à monter pour les jockeys.

Et pour Martine, réussir du premier coup, ce n'est pas commun! et quel coup de fouet pour la suite de sa carrière.

Pendant toute la saison 1980, Martine monte beaucoup de chevaux de toutes sortes et de toutes valeurs. La curiosité du début, a fait place à de l'attention et de plus en plus on fait appel à elle.
Il est vrai qu'il s'agit en majorité de monter des "petits poids", ce qui et comme je vous l'ai déjà signalé ne constitue certes pas un avantage. (la majorité de ces chevaux étant limités). Mais elle accepte tout ce qui se présente, par amour du cheval, d'abord et ensuite pour se mettre le pied à l'étrier, si l'on peut dire.

Elle montera pendant cette année 80 environ 325 chevaux, ce qui est déjà un chiffre et elle remportera 33 victoires, soit une par dix montes, ce qui est dans la ligne des meilleurs jockeys professionnels. Et si l'on y ajoute les places d'honneur, cela représente plus de 30% de réussite.
Si l'on veut bien tenir compte de la valeur de certaines montes, c'est assez sensationnel pour un début. Et se classer d'emblée parmi les dix meilleurs jockeys belges, cela a réconcilié notre amie Martine avec tous les machos... qui dès le début la considéraient plutôt d'un air amusé!

On regrettera peut-être bien, pour l'histoire qu'avec l'aide "précieuse", de Fabienne (sept ans) je n'aie pas tenu des statistiques un peu plus précises, mais nous nous sommes heureusement rattrapés par la suite et vous le verrez!

Il est tout à fait superflu de vous rappeler que ces brillantes performances de Martine au cours de l'année 1980 ont attiré l'attention de nombreux propriétaires, qui lui confient de plus en plus des montes de valeur.

Au cours de l'année 1981 qui débute pour elle sous les meilleurs auspices, en avril, elle compte déjà sept victoires et cela est de très bon augure pour la suite de la saison.

La Presse commence à s'intéresser à cette bonne petite "jockette", et, timidement tout d'abord, puis plus hardiment ensuite, on se met à faire son éloge, au point que dans les bureaux de Tiercé, qui sont, comme on le sait, les derniers salons où l'on cause (de cheval bien entendu), on commence à jouer beaucoup ses montes, si pâles ou si mièvres qu'elles apparaissent avant le départ, et, j'en ai connu des tas de "mordus", qui n'ont eu qu'à s'en louer d'avoir fait confiance à cette gagneuse, qui ne baisse jamais les bras.

Et j'admire pourtant la réponse de Martine à l'un de mes amis, professeur de son état, qui avait désiré que je la lui présente, et qui manquant de la plus simple courtoisie lui posa la question de savoir s'il lui arrivait parfois de "tirer" un cheval!
Sachez, mon cher Monsieur, que mon amour du cheval m'empêche à coup sur de m'intégrer dans quelque combine que ce soit, et, tant que je ferai ce métier, on ne pourra jamais dire que j'y ai participé.
Pourtant, si parfois vous me voyez terminer dans le lointain, c'est encore mon amour profond du cheval qui est en cause, car si, en course, je m'aperçois que le brave animal, n'a plus aucun ressort, et que le pousser malgré lui, serait très nuisible à sa santé. Je n'insiste pas et le laisse terminer à sa main. Lui aussi peut ne pas se sentir bien ce jour là, et cela vous arrive aussi, je suppose, et je sais aussi qu'il devra recourir quelques jours après!
Et pour avoir l'air de se racheter, l'ami en question poursuit: "Entre amis, vous arrive-t'il de donner parfois des tuyaux"?
Et c'est en souriant que Martine lui répond: Oh!, que non, cher Monsieur! Je ne donne jamais de tuyau aux amis, car si je m'en fais un nouveau, je craindrais bien trop le perdre!


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